Écrit par: Samael Aun Weor | Catégorie: La Magie des Runes |
Personne ne peut nier le fait que l’éternelle Mère-Espace a deux aspects rivaux : Vénus et Astaroth, Heva et Lilith, Sophia Achamoth et Sophia Prunikos.
Parlons maintenant de Vénus, ou plutôt d’Astaroth, l’aspect négatif de la Prakriti, son antithèse ténébreuse dans la nature et dans l’homme.
La légende des siècles raconte que la cruauté de Kali enflamma le cœur de la reine Didon. La malheureuse souveraine ne voulut pas comprendre que cette passion était contraire à la volonté des dieux saints.
Ô Didon !, lueur de songe délicieux, fleur du mythe enchanteur, ton admirable beauté chante la grâce d’Hermaphrodite et le charme aérien d’Atalante, et de ton allure ambiguë s’élève l’hymne de feu de l’antique muse que l’on invoque.
Assoiffé, Énée boit le vieux vin qui se trouve dans l’amphore, Phébus fronce les sourcils et Junon doit elle aussi les froncer, mais Kali Astaroth s’en rit comme toujours et Éros délaye son philtre dans les calices d’Hébé.
Avant de connaître Énée, l’illustre Troyen, la malheureuse reine s’était fait courtiser par Iarbas, roi de Libye, un homme vaillant qui ne supportait pas les offenses, un archer terrifiant qui demeurait avec ses gens de guerre près du désert africain.
Pauvre Didon !, quelle terrible lutte intime dut-elle soutenir, prise entre son devoir sacré, son amour pour son peuple, et la cruelle blessure de Cupidon. Ce dernier entreprit son travail destructeur, effaçant insensiblement de la mémoire de la souveraine l’image de Sychée, son premier époux.
Lilith Astaroth, que de mal as-tu fait ! Déesse des désirs et des passions, mère de Cupidon, pour toi la tempête humaine fait jaillir le sang des cœurs. Tu oublias, ô reine, le terrible serment, et tu trouvas sur le chemin de ta vie un Troyen qui posa sur tes lèvres assoiffées un nouveau souffle, une belle coupe et un vin délicieux.
Et lorsqu’arriva Cupidon, une flamme triple et cruelle s’alluma dans ton sang rouge et tu livras la vendange de ta vie à l’épouvantable passion sexuelle au milieu des langues de feu.
Beauté à qui le sort terrible ordonna de se martyriser elle-même par tant de tendresse, elle reçut de Lucifer une perle rare de couleur noire qu’elle mit à son diadème de folies. La malheureuse reine consulta sa sœur Anna, et toutes deux coururent les autels des différents dieux, en quête de présages qui favoriseraient leurs désirs. Elles immolèrent des victimes à Cérès, à Phébus Apollon, à Dionysos et tout spécialement à Junon, déesse des femmes qui travaillent dans la neuvième sphère, celle qui préside les cérémonies nuptiales justes et parfaites.
Combien de fois, mon Dieu, la tragique reine ne se pencha-t-elle pas sur les flancs ouverts des innocentes victimes sacrifiées, inspectant leurs entrailles encore palpitantes ! Mais une femme en amour dont la conscience dort est, bien entendu, toujours disposée à interpréter tous les signes en faveur de son rêve.
Junon, la déesse des femmes initiées, assistait du haut du ciel, pleine d’indignation, aux progrès ténébreux que réalisait Astaroth Kali chez la pauvre Didon, mais tous ses appels et ses protestations furent inutiles.
Dévorée par la passion, la malheureuse souveraine passait toutes ses nuits éveillée, pensant exclusivement à Énée.
L’illustre Troyen reconstruisait les murs de Carthage et travaillait à fortifier une ville étrangère, follement amoureux.
Ah !, si Mercure, le messager des dieux, n’était intervenu, le sort de la pauvre Didon aurait été bien différent.
L’épique paladin Troyen doit s’en aller vers le Latium et oublier celle qui l’aime : tel est l’ordre de Jupiter, père des Dieux et des hommes.
« Non, tu n’es pas le fils d’une déesse et Dardanus n’était pas le premier fondateur de votre famille. C’est le Caucase qui t’a engendré sur ses rochers durs et les tigres Hyrcaniens t’ont offert leurs mamelles.»
Voilà comment s’exclama la malheureuse souveraine, désespérée.
Ses plaintes et ses lamentations furent toutes inutiles ; la pauvre amoureuse n’est pas allée à Aulis faire un sacrifice aux dieux afin d’invoquer la destruction de la ville de Priam, elle ne fut jamais l’alliée des Achéens. Mais pourquoi, pourquoi mon Dieu ? Pourquoi cette malheureuse devait-elle souffrir autant ?
L’infortunée souveraine, transformée en esclave par le dard cruel de la passion animale, invoquait la mort.
Ses offrandes devant l’autel de la déesse Junon furent inutiles : la passion animale ne reçoit pas de réponse de la part des dieux.
Ah !, si les gens savaient que le venin de la passion animale trompe le mental et le cœur.
La malheureuse reine se croyait amoureuse, le dard de Cupidon s’était enfoncé dans son cœur, mais il est certain qu’au fond, elle était plutôt passionnée.
La malheureuse implora, et elle vit aussitôt sur l’autel de Junon l’eau lustrale devenir noire comme le cilice et le vin sacré de la libation, rouge comme le sang.
Terribles instants. Sur la coupole solitaire du palais, le vautour de la mort pousse son chant sinistre tandis qu’elle rêve, se voyant parfois marcher dans un désert sans limite à la recherche de son Énée adoré, ou bien fuir, désespérée, persécutée par les furies impitoyables.
La malheureuse n’ignorait toutefois pas les moyens magiques infaillibles et merveilleux pour oublier une passion bestiale.
« Je vais te les dire pour que tu m’aides, dit-elle à sa sœur Anna. Tu érigeras un grand bûcher dans la grande salle du palais, qui fait face à la mer, et j’y mettrai et brûlerai les souvenirs que j’ai d’Énée, y compris son épée cloutée d’or que l’impie m’offrit comme présent pour nos noces qui ne se sont jamais réalisées. »
Malheureusement, au lieu de brûler sur la pierre funéraire les souvenirs de l’illustre Troyen, la souveraine passionnée résolut de s’immoler elle-même dans le feu ardent.
Elle ceignit ses tempes royales des rubans que portent les victimes destinées au sacrifice et, debout sur le bûcher funèbre, elle prit à témoin les cent dieux, l’Érèbe, le chaos et Hécate, le troisième aspect de la divine Mère-Espace.
Elle, la malheureuse souveraine qui aurait pu se servir des effets magiques des herbes lunaires en les utilisant comme combustible pour incinérer les souvenirs, les passions et les mauvaises pensées, désira plutôt brûler avec violence sur le bûcher de la mort.
Elle supplia le soleil, elle appela Junon, elle invoqua les furies de la vengeance, elle commit l’erreur de maudire Énée, et finalement elle se transperça le cœur avec l’épée du Troyen. Sa sœur la trouva en train de brûler sur le bûcher. C’est ainsi que mourut la reine Didon.
Ce chapitre est tiré de La Magie des Runes (1969) de Samaël Aun Weor.